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RDC : la guerre invisible contre les géants aquatiques dans la plaine de la Ruzizi

Par - CITO CIBAMBO FERDINAND 23 Jun, 2025 5 Min
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Dans la plaine fertile de la Ruzizi, à l’Est de la RDC, théâtre d’un conflit méconnu entre humains et faune sauvage, une autre guerre se joue, plus silencieuse, mais tout aussi brutale : celle menée contre les hippopotames. Ici, dans une plaine autrefois bénie par la cohabitation entre l’homme et la nature, les hippopotames, ces géants paisibles, herbivores et pourtant redoutés, sont devenus des cibles. Abattus à coups de machettes ou de fusils artisanaux, traqués dans les zones marécageuses ou les champs agricoles, ils paient le prix fort d’une crise silencieuse mais profonde : celle du recul de leurs habitats, des conflits armés dans la région, de la violence croissante des conflits avec les populations locales.

CITO CIBAMBO FERDINAND

Au Sud-Kivu, au moins trois hippopotames semblent être abattus chaque mois par certains militaires congolais, indique l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature.  

Dans la plaine fertile de la Ruzizi, à l’Est de la RDC, théâtre d’un conflit méconnu entre humains et faune sauvage, une autre guerre se joue, plus silencieuse, mais tout aussi brutale : celle menée contre les hippopotames. Ici, dans une plaine autrefois bénie par la cohabitation entre l’homme et la nature, les hippopotames, ces géants paisibles, herbivores et pourtant redoutés, sont devenus des cibles. Abattus à coups de machettes ou de fusils artisanaux, traqués dans les zones marécageuses ou les champs agricoles, ils paient le prix fort d’une crise silencieuse mais profonde : celle du recul de leurs habitats, des conflits armés dans la région, de la violence croissante des conflits avec les populations locales. 

L’habitat en ruines, les chiffres en chute libre

 « On ne sait pas combien il reste d’hippopotames à travers l’Afrique. Mais au cours des dernières décennies, cet animal qui jadis était classé de plus dangereux du continent après le lion, plus dangereux que les éléphants et les buffles du Cap, est devenu de plus en plus menacé par la chasse », indique infoNile. En 2022, le Parc national des Virunga, au Nord-Kivu, par exemple, avait 1300 individus d’hippopotames, soit une réduction de 95 % par rapport au nombre enregistré en 1970.

Au moment où la région est en plein conflit armé, les statistiques s’évaporent. Il est difficile de dénombrer la population des hippopotames dans la plaine de la Ruzizi. Une réalité non précise en 2025. « Un inventaire partiel effectué, en 2020, avait estimé, à 145, le nombre hippopotames dans la région. Au cours des trois dernières années, il y a des reproductions, mais nous craignons que le nombre soit réduit avec la situation actuelle, » selon Josué ARUNA, cadre de la société civile environnemental.

« C’est difficile pour nous de faire une évaluation du nombre d’hippopotames tués, étant donné que le monitoring, qui était assuré par nos points focaux sur le terrain, ne se fait plus. Certains ont fui et sont désormais réfugiés dans des camps au Burundi et au Rwanda. Mais, des statistiques, avant la guerre, faisaient état de trois hippopotames tués en moyenne tous les mois, selon les rapports qui nous parvenaient. Et cela était causé par les soldats de l’armée loyaliste et les groupes d’autodéfense qui travaillent à leurs côtés. Nous avons également peur de voir le site touristique, qu’on avait déjà érigé dans la plaine de la Ruzizi, et qui abritait des troupeaux de 30 à 40 hippopotames par jour, se vider, car il n’est pas exclu qu’ils aillent là-bas, pour les abattre dans cette aire de repos, qu’on avait transformée en lieu d’écotourisme, » à en croire Josué ARUNA.

Guerre, braconnage, impunité : les causes d’un désastre annoncé

Il est difficile de donner un chiffre exact du nombre d'hippopotames dans la plaine de la Ruzizi à ce jour, mais des informations récentes indiquent qu'il s'agit d'une zone où leur population est menacée par le braconnage et les conflits avec les populations locales. Il y a eu des rapports de dizaines d'hippopotames abattus dans la plaine de Ruzizi, notamment dans le territoire d'Uvira, depuis le début du mois de mars 2025, selon des informations de la société civile environnementale locale. 

Plus de 15 hippopotames dont la plupart sont du site touristique communautaire de Katogota, dans la pleine de Ruzizi, ont été tués depuis le mois de février, alerte la société civile environnementale. Cet écocide détruit  a plus de 20 ans de dur labeur pour arriver à remettre sur pied le site de Katogota.

" Depuis le mois de février jusqu'à maintenant, nous avons déjà perdu au moins 15 hippopotames. Avec la période de mise bas soit deux ans ou une année et demi, imaginez combien nous avons perdu juste dans 3 mois, c'est beaucoup. Nous continuons à rappeler et à mener toutes les parties prenantes de s'intégrer et de voir comment stopper cet écocide au niveau de la plaine de la Ruzizi", dit Ladislas Witanene, assistant à la société civile environnementale.C’est un crime contre la biodiversité et sur ces mammifères des espèces protégées qui sont l’un des piliers écologiques et économiques pour la Région des Pays des Grands Lacs. Ces actes violents le statut de Rome lequel attend l’intégrer dans le droit pénal international au même titre que les crimes contre l’humanité.

Ces mammifères semi-aquatiques, que l'on trouve en Afrique subsaharienne, ont une population en déclin estimée entre 115 000 et 130 000 individus. Ils sont pour le moment classés comme espèce vulnérable sur la liste rouge de l'UICN.

Les dents de l’avidité : l’ivoire caché des hippopotames alimente le marché noir

L’histoire des menaces contre les espèces hippopotamesques dans la plaine de la Ruzizi connait plusieurs causes. Notamment la guerre dans la région, l’absence de l’autorité étatique dans la région, le besoin en termes de parties de son corps. 

« Les effets de la guerre, que nous observons, risquent de compromettre l’avenir de la rivière Ruzizi et du Lac Tanganyika, mais aussi l’avenir des générations futures. Comme ces Wazalendo ne sont pas payés, ils n’ont pas de ration alimentaire, ils tuent donc ces hippopotames pour gagner de l’argent, afin de continuer la mobilisation des ressources, qui leur permettent de faire la guerre », selon Josué ARUNA. 

Selon Rebecca Lewison, coprésidente du groupe de spécialistes des hippopotames de l'UICN SSC, les hippopotames sont menacés suite à plusieurs raisons liées au conflit hippopotames-humains, alors que leurs populations ont considérablement diminué au cours des 20 dernières années.

"Les conflits hippopotames-humains entraînent malheureusement des décès d'hippopotame et d'humains et ont contribué à un problème connexe de chasse non réglementée pour la viande d'hippopotame et l'ivoire, qui se trouve dans leurs dents canines," a-t-elle dit à travers Geo.fr. 

Appel à la conscience collective 

 « Nous en appelons à une conscience collective de tous les belligérants, car la protection de la nature n’est pas négociable. Tuer des hippopotames est un crime environnemental, ce que nous appelons crime d’écocide, et les auteurs doivent être poursuivi, même après la guerre. Nous demandons aux autorités congolaises, d’instruire les éléments qui sont sous leur obédience, de ne plus détruire la biodiversité, car cela constitue le soubassement de notre avenir commun, » lance Josué ARUNA.

Les hippopotames jouent un rôle essentiel dans la préservation d'un écosystème sain. Comptant parmi les plus gros animaux terrestres, ils sont particulièrement vulnérables face aux menaces car leur population se renouvelle lentement. Les femelles n'atteignent en effet leur maturité sexuelle qu'à l'âge de 10 ans, et la gestation est longue, elle qui dure 8 mois.

 CITO CIBAMBO Ferdinand

 

 

CITO CIBAMBO FERDINAND

Licencié en philosophie à l'UOB, Master en politique territoriale de développement durable et stratégies d'entreprise à l'UDDAC, Formé en journalisme environnemental à l'Université Bilingue du Congo, Ambassadeur Climat, Journaliste de la biodiversité, Coordonnateur de projets.