Alors que la planète continue de subir les conséquences dévastatrices du changement climatique, la COP16 qui se tient à Cali, en Colombie, en octobre et novembre 2024, représente un tournant décisif pour les négociations climatiques mondiales. Pour les pays africains, cette conférence est l'occasion de réaffirmer des priorités cruciales face à l'aggravation des crises climatiques sur le continent, et de réclamer une plus grande justice climatique dans les discussions internationales.
Le continent africain est l’une des régions les plus vulnérables aux impacts du changement climatique, malgré sa contribution négligeable aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les phénomènes extrêmes, comme les sécheresses, les inondations, la désertification et la montée des températures, menacent gravement les moyens de subsistance de millions d’Africains. Dans ce contexte, les pays africains arrivent à la COP16 avec des priorités axées sur l’adaptation, le financement climatique, la justice climatique, et l’accès aux technologies vertes.
1. Un Appel à des Financements Climatiques Accrus
L'une des principales priorités des pays africains à cette COP16 est de garantir l'accès à des financements climatiques suffisants pour faire face aux effets dévastateurs du changement climatique.
Dans la déclaration des pays africains lue le 21 octobre par le représentant de l'Ouganda, l'Afrique a fait entendre sa voix sur les progrès réalisés dans la préparation des objectifs et la mise à jour des stratégies et plans d'action nationaux pour la biodiversité par les Parties conformément au Cadre mondial de la biodiversité Kunming-Montréal.
Il en est ressorti que "l'Afrique a fait des progrès significatifs dans la mise en conformité avec la décision 15/6 et les paragraphes 6 et 7 de la décision 15/6. A ce jour, 41 pays africains ont soumis leurs objectifs nationaux alignés sur les objectifs et les cibles du KMGBF. Cela représente environ 40 % du total des soumissions à ce jour. En outre, 4 pays africains ont terminé leur SPANB révisé aligné sur le KMGBF. Ces informations sont disponibles sur le site Web de la CDB."
Tout en appelant les autres pays qui trainent à amboiter les pas dans la réalisation des statégies et plans d’action nationaux, les africains reconnaissent que la biodiversité du continent est si riche et nécessite d’être sauvegardé. Tout cela, à travers plusieurs aspects dont le financement et l’accompagnement de toute sorte.
«L’Afrique appelle à une mise en œuvre renforcée des stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité et à la fourniture d’un soutien financier et technique, d’un renforcement des capacités, d’une coopération scientifique et d’un soutien au transfert de technologie aux pays en développement pour arrêter et réduire la perte de biodiversité et mettre la nature sur la voie du rétablissement.»
Ces fonds sont essentiels pour financer des projets d'adaptation, notamment dans les secteurs de l'agriculture climato-résiliente, de la gestion de l'eau et des infrastructures pour faire face aux événements météorologiques extrêmes. De plus, ces financements doivent être accessibles de manière équitable et rapide, sans les lourdes procédures bureaucratiques actuelles.
2. Des priorités africaines: changement des paradigmes
A la COP16, les pays africains s’activent en terme de priorités. Chaque région dans la spécificité tient un seul langage, celui de la mobilisation des ressources autour de la conservation de la biodiversité. A côté de la déclaration africaine lue par l’Uganda, le Sénégal a présenté des priorités similaires à celles de l’Uganda.
«Le déclin de la biodiversité constitue une menace critique pour la survie de millions d’espèces et met en danger le bien-être humain. Cette urgence planétaire met en évidence les crises interdépendantes de la perte de la biodiversité, de la dégradation des écosystèmes et les pollutions, qui contribuent à l’instabilité à l’échelle nationale et mondiale dans les domaines économique, social et politique. L’Afrique est considérée comme le continent le plus vulnérable face à ces crises. Aussi, tout en reconnaissant l’importance des projets de décisions qui seront examinés, l’Afrique estime qu’il est impérieux de changer les paradigmes actuels en vue de renforcer davantage nos efforts dans la conservation de la biodiversité.»
Par conséquent, le Sénégal met en avant des éléménts qui sont essentiels pour l’Afrique en vue de la mise en oeuvre efficace de l’ambitieux Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal :
1. Accroître le financement de la biodiversité et la mobilisation des ressources ;
2. Créer un fonds dédié à la biodiversité sous l’autorité de la Convention assorti de fenêtres spécifiques pour la mise en œuvre efficace du Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques et le protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation;
3. Mettre en place un cadre international solide et juridiquement contraignant sur l’Information de séquençage numérique et la mise en œuvre d’un mécanisme multilatéral mondial partage des avantages ;
4. Faciliter le renforcement des capacités, le développement et le transfert de technologies, et faciliter la mise en œuvre des centres régionaux et sous-régionaux pour soutenir la mise en œuvre du Cadre mondial pour la biodiversité.
Alors que la plupart des débats mondiaux se concentrent sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les pays africains mettent en avant la nécessité de donner la priorité à l’adaptation. La majorité des pays africains subissent des conséquences dramatiques du changement climatique, comme la baisse des rendements agricoles, l’insécurité alimentaire et l'augmentation des conflits pour les ressources.
4. Justice Climatique, protection des forêts et transprence
Au cœur des discussions africaines se trouve la notion de justice climatique. Les pays africains soulignent que les nations les plus riches, historiquement responsables de la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre, ont une obligation morale de compenser les pays les plus vulnérables, qui subissent de plein fouet les conséquences climatiques.
Lors de la COP16, les pays africains plaident pour un mécanisme de réparation des pertes et dommages, afin que les pays développés financent les efforts de reconstruction dans les régions touchées par les catastrophes naturelles liées au climat. Ce mécanisme devrait inclure un fonds dédié pour aider les pays à faire face aux impacts des tempêtes, des inondations et de la montée des eaux, qui dévastent régulièrement les infrastructures et les économies locales, etc.
Les pays africains devraient insister sur la nécessité de renforcer les mécanismes de suivi et de transparence concernant les engagements climatiques internationaux. Si de nombreux pays développés s’engagent à réduire leurs émissions et à fournir des financements climatiques, les pays africains réclament une meilleure transparence pour s’assurer que ces engagements sont effectivement respectés.
En outre, les pays africains devraient demader la création de mécanismes solides pour surveiller les engagements des grandes économies mondiales, tout en s’assurant que les promesses faites lors des précédentes COP, notamment sur la réduction des émissions et le financement climatique, soient tenues après la COP en cours.
La protection des forêts tropicales africaines, en particulier le Bassin du Congo, est un enjeu clé pour les pays africains à la COP16. Ces forêts jouent un rôle crucial dans la régulation du climat mondial, tout en fournissant des moyens de subsistance à des millions de personnes. Les initiatives comme REDD+ (Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts) sont soutenues par les délégations africaines, qui demandent une augmentation des financements pour protéger ces écosystèmes critiques.
Les forêts africaines sont menacées par la déforestation, souvent due à l'agriculture extensive, à l’exploitation minière et au commerce illégal de bois. L’Afrique appelle donc à un renforcement des initiatives mondiales visant à protéger les forêts, en garantissant des financements adéquats et une compensation pour les communautés qui dépendent de ces ressources.
Conclusion
La COP16 de 2024 à Cali représente une opportunité pour l’Afrique de réaffirmer ses priorités dans la lutte contre le changement climatique. Les pays africains, tout en étant parmi les plus touchés par les effets du climat, demandent une réponse équitable et juste de la communauté internationale. À travers un accès accru aux financements, aux technologies vertes et à des mécanismes de compensation des pertes et dommages, l’Afrique espère non seulement s’adapter aux défis climatiques, mais aussi saisir l’opportunité de bâtir un avenir plus résilient et durable.
Le continent africain continue de jouer un rôle actif dans les négociations climatiques, rappelant au monde entier que l’action climatique doit être globale, équitable et inclusive, afin de garantir un avenir juste pour tous.
CITO CIBAMBO Ferdinand, Journaliste de la Biodiversité
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